La Centrale électrique à DDU

Voici un article que j'ai écrit pour le blog de la base. Il explique le fonctionnement de la Centrale et donc mon travail sur place.
Cela fait longtemps que je n'ai pas écrit pour ce blog, mais je vais me rattraper! Je publierai t
rès prochainement un nouvel article sur le début d'hivernage.

La Centrale, bâtiment n°24 de DDU - crédits: Maëlle Giraud
La base est bercée par un ronronnement continu. Approchez vous du bâtiment n°24 et ce ronronnement s’intensifie. En entrant, le son prend plus d’ampleur et il faut se protéger les oreilles. En revanche, plus besoin de bonnet ni de VTN, la température avoisine les +25°C. Bienvenue dans la Centrale !
En entrant bâtiment n°24 - crédits: Maëlle Giraud


Son nom en dit long: la Centrale est à la fois la centrale électrique et le centre névralgique de la base.
C'est ici que sont produites l'eau douce et l'électricité. Comment? Grâce à plusieurs équipements et à une surveillance constante de la part du service technique.
Le rôle principal de la Centrale est donc la production d'électricité. Nous disposons pour cela de 3 moteurs Diesel couplés à des alternateurs. 


Les trois groupes électrogènes Caterpillar - crédits: Maëlle Giraud

Chaque groupe électrogène (GE = moteur + alternateur) peut fournir jusqu'à 140 kW. C'est en général largement suffisant pour couvrir tous les besoins de la base, qui réclame en moyenne 70kW. En été (et parfois aussi l'hiver), la demande peut être plus importante et il est alors nécessaire de démarrer un deuxième GE. Le fait d'en avoir trois permet une liberté de mouvement: un en service, un d'appoint ou en secours, un en maintenance.
Les maintenances se font régulièrement, au rythme préconisé par le constructeur, Caterpillar. Ce mode de maintenance, dite préventive, diminue fortement le risque de pannes.


La Team Centrale : Norbert & moi - crédits: Liz Hascoët, Institut Polaire Français

En complément, un GE de secours se trouve dans un bâtiment indépendant. Il permet de produire de l'énergie pour la base dans le cas où le bâtiment de la Centrale ne serait plus accessible.
Afin de s'assurer de son bon fonctionnement, il est démarré une fois par mois et fournit de l'électricité pour le séjour pendant une demi-journée.

Le groupe électrogène de secours - crédits: Maëlle Giraud

Ces quatre moteurs fonctionnent avec du gasoil qui est stocké dans des cuves. Ce n'est pas tout à fait le même gasoil que celui que vous mettez dans votre voiture… Climat particulier oblige, le notre contient des additifs lui permettant d'être pompé (et donc de rester utilisable) par -35°C.

Avec cette organisation nous sommes sûrs d'avoir en permanence de l'électricité, et donc certains d'être confortablement installés et préservés de l'a rudesse de l'Antarctique durant tout l'hivernage.


Le second rôle, et non des moindres, de la Centrale est de produire de l'eau douce, indispensable pour vivre mais également pour nos odorats délicats.
Il y a beaucoup d'eau douce disponible autour de nous sous forme de neige et de glace, mais la présence régulière de nos amis les manchots pollue cette ressource. Heureusement, la base se situe sur une île et nous disposons donc d'eau de mer à profusion. C'est cette dernière que nous exploitons pour produire de l'eau douce potable.

L'eau de mer est prise dans l'anse du Lion via un tuyau d'aspiration courant sur le fond. Elle est aspirée par les pompes de la SPEM (Station de pompage d'eau de mer) qui sont assez puissantes pour envoyer 5000L/h d'eau de mer jusqu'à la Centrale (en base haute 40m plus haut).

De la SPEM à la Centrale - crédits: Maëlle Giraud
Arrivée à la centrale, l’eau de mer est envoyée vers le bouilleur et/ou l’osmoseur pour séparer le sel de l’eau douce.


Les équipements de production d'eau douce - crédits: Maëlle Giraud

Bouilleur et osmoseur, distillation et osmose inverse, deux techniques bien distinctes pour obtenir de l’eau douce. Leur principe ? Le bouilleur permet de chauffer l’eau pour qu’elle s’évapore et la vapeur d’eau douce est recondensée et récupérée, le sel étant évacué sous forme de saumure liquide car il ne s’évapore pas aussi vite que l’eau. L’osmoseur lui, nécessite que l’eau de mer traverse sous haute pression (60bar) des membranes. Les molécules d’eau traversent les membranes, les molécules de sel, plus grosses, sont bloquées et évacuées.
Nous utilisons principalement le bouilleur. Il est amplement suffisant l'hiver pour produire l'eau nécessaire, voire trop performant car nous sommes régulièrement obligés de jeter l'eau non consommée bien que nos collègues hivernants prennent très à coeur les consignes d'hygiène, à savoir prendre de looooongues douches ! En été en revanche, la population sur base est bien plus importante et notre cher bouilleur a du mal à suivre la cadence. Il est alors nécessaire de démarrer ponctuellement l'osmoseur.


Le bouilleur - crédits: Maëlle Giraud

Mais pourquoi cet engouement pour le bouilleur? Pour plusieurs raisons. Tout d'abord il est nettement moins gourmand en énergie que l'osmoseur. Ensuite, il fonctionne par échange de chaleur, élément dont nous disposons en grande quantité, même si ce n'est pas forcément évident au premier abord quand on connaît les températures de l'Antarctique. Cette chaleur provient des GE et plus particulièrement de leurs gaz d'échapement. Ils sortent du moteur entre 300 et 400°C ! En faisant circuler de l'eau dans la cheminée du GE en service, on arrive à la chauffer suffisamment pour ensuite porter l'eau de mer à ébullition. Et pour être plus performant encore, les chambres d'évaporation du bouilleur sont sous vide, ce qui permet de faire bouillir l'eau à 35°C. Enfin, la saumure extraite du bouilleur est à 30°C, contre 20°C avec l'osmoseur, et est utilisée pour réchauffer l'ensemble des tuyauteries de la base pour éviter le gel. Et plus elle est chaude, moins le risque que les canalisations gèlent est élevé.
C'est pour toutes ces raisons que les centraliens prennent grand soin de ce bouilleur depuis de nombreuses années !

Le troisième rôle de la Centrale est de chauffer plusieurs bâtiments. Certains disposent de leur propre chaudière pour produire de l'eau chaude, mais d'autres non. C'est un choix qui a été fait par souci d'économie d'énergie. En effet, comme expliqué précédemment, les gaz d'échappement des GE réchauffent un circuit d'eau. Après avoir chauffé le bouilleur, cette eau dispose encore de chaleur. Du coup; elle est envoyée vers différents bâtiments comme eau de chauffage. La centrale chauffe ainsi 5 bâtiments, uniquement avec l'énergie des gaz d'échappement.

Schéma du principe de fonctionnement de la Centrale
crédits: équipe centrale, Institut Polaire Français



Un autre rôle attribué à la centrale, et plus particulièrement à la personne de quart, est de veiller à la sécurité de la base. C’est dans le bureau de la centrale que sont reportées les alarmes techniques mais également les alarmes incendie. De plus, lorsque le responsable de la radio est de repos, la centrale prend le relais et suit les sorties de la base afin de savoir qui se trouve sur la banquise.
En cas d'incident, les personnes concernées seront averties immédiatement par la personne de quart.

Les différentes alarmes de la Centrale - crédits: Maëlle Giraud

Mais le dernier rôle de la Centrale est peut-être le plus important. La présence humaine permanente (centraliens la journée, technicien de quart la nuit), la température agréable du local, le "ronron" apaisant des moteurs et la machine à café en font un lieu de refuge pour tous les hivernants. Il n'est donc pas rare d'en voir un entrer dans le bâtiment n°24 pour trouver au cœur de l'hiver polaire un accueil chaleureux !

Le café est toujours prêt ! - crédits: Maëlle Giraud

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